Une prière très émouvante
Il y a bien des années, alors que j’étais en pèlerinage, je suis devenue amoureuse de la prière suivante pour le jeûne. J’avais visité la Plus-Grande-Prison, j’avais regardé par la petite fenêtre et j’avais imaginé les croyants priant avec Bahá’u’lláh, récitant cette même prière. Depuis ce jour, durant le jeûne, je peux m’imaginer dans la prison, priant avec ces premiers croyants.
Ô mon Seigneur, voici tes serviteurs qui ont pénétré avec toi dans cette plus grande Prison; dans ses murs, ils ont observé le jeûne comme tu le leur as ordonné dans les tablettes de ton décret et les livres de ton commandement. Révèle-leur ce qui les purifiera complètement de tout ce que tu abhorres afin qu’ils soient totalement dévoués et se détachent entièrement de tout sauf de toi [1] .
Un peu plus loin dans le même texte, Bahá’u’lláh nous demande de prier, disant :
Ô mon Seigneur, voici l’heure que tu places au-dessus des autres heures et que tu relies à tes créatures les meilleures. Ô mon Dieu, par toi-même et par elles, je te supplie. Ordonne pour cette année ce qui exaltera tes bien-aimés et permettra au Soleil de ta puissance de briller au-dessus de l’horizon de ta gloire et d’illuminer le monde entier par ta volonté souveraine. Rends ta cause victorieuse, ô mon Seigneur, et abaisse tes ennemis. Décrète pour nous le bien de cette vie et de la vie à venir. Tu es la Vérité qui connaît les mystères. Il n’est pas d’autre Dieu que toi, le Magnanime, le Très-Généreux.
Durant chaque jeûne je prie ardemment pour que cesse la persécution des croyants en Iran. Chaque année passe et la persécution se poursuit.
Récemment toutefois, j’ai commencé à me demander pour quoi exactement Bahá’u’lláh nous demandait de prier. Qu’est-ce qui m’a pris tant de temps à me poser cette question? Franchement, l’idée ne m’est jamais venue que cela pouvait ne pas être ce pour quoi il nous demandait de prier. Je savais combien Bahá’u’lláh [2] et le Báb [3] avaient de la peine à voir les amis si mal traités. Je savais aussi que Shoghi Effendi a exprimé une peine profonde au sujet des persécutions, expliquant :
Chaque jour a des besoins particuliers. À cette première époque, la Cause avait besoin de martyrs, et de gens qui pouvaient endurer toutes sortes de tortures et de persécutions en exprimant leur foi et en propageant le message envoyé par Dieu. Ces jours sont toutefois révolus. Aujourd’hui, la Cause n’a plus besoin de martyrs prêts à mourir pour leur foi, elle a plutôt besoin de serviteurs qui désirent enseigner et établir la Cause partout dans le monde. Vivre pour enseigner aujourd’hui est comme être martyrisé à cette époque. C’est l’esprit qui nous anime qui compte, et non l’acte par lequel l’esprit s’exprime; et cet esprit est de servir la cause de Dieu de tout cœur[4] . [traduction]
Alors, pourquoi ne penserais-je pas qu’il est temps que les persécutions cessent? Pourtant, dans mon impatience à voir les persécutions cesser, je ne me suis jamais demandé quelle était la victoire pour laquelle Bahá’u’lláh priait. J’ai donc prié sincèrement pour une victoire qui mettrait fin aux persécutions, rendant ainsi la Cause victorieuse sur ses ennemis. Cependant, après que, une année après l’autre, cette victoire a tardé à se matérialiser, j’ai finalement décidé d’étudier les Écrits pour découvrir ce pour quoi Bahá’u’lláh désirait que nous priions. C’est alors que j’ai découvert une description de ce qui me semblait être une tout autre sorte de victoire :
Sur ton appel, le parfum du vêtement de ta révélation s’est répandu sur celles de tes créatures qui t’aiment et sur ceux parmi ton peuple qui aspirent à toi. Ils se sont levés et se sont précipités pour atteindre l’océan de ta rencontre, l’horizon de ta beauté, le tabernacle de ta révélation et de ta majesté, et le sanctuaire de ta présence et de ta gloire. Ils étaient si enivrés du vin de leur réunion avec toi qu’ils se sont défaits de tout attachement à quoi que ce soit qui leur appartienne ou que d’autres possèdent.
Voici tes serviteurs que l’ascendant de l’oppresseur n’a pas su dissuader de fixer leur regard sur le tabernacle de ta majesté, que les armées de la tyrannie ont été impuissantes à effrayer et dont elles n’ont pu détourner le regard de l’aurore de tes signes et de l’orient de tes témoignages [5] . [traduction]
Cela est certainement une victoire que les croyants en Iran remportent une année après l’autre, une génération après l’autre, ils sont restés fermes, croyant en l’unicité de Dieu, en l’unicité de toutes les religions révélées par Dieu, en l’unicité de toute l’humanité. Comme le magnifique message de Naw-Rúz l’a si bien exprimé :
Au seuil de la nouvelle année, nous levons les mains en gratitude envers le seul vrai Dieu pour que malgré les persécutions intensives et les multiples privations dont vous souffrez en conséquence, vous marchiez sur ce sentier que le Maître a indiqué être son désir ardent pour les croyants en Iran, et que « tous un chacun » soyez occupés jour et nuit à ce qui est favorable à la gloire éternelle de l’Iran, et que vous fassiez les plus grands efforts pour raffiner les caractères et les manières, travailliez assidument, poursuiviez des buts élevés, encouragiez l’amour et l’affection et encouragiez le progrès et le développement de l’industrie, de l’agriculture et du commerce [6] . [traduction]
Maintenant, je me demande donc : si je n’ai pas reconnu la vraie victoire qui a été remportée une année après l’autre, comment aurais-je pu être en mesure d’aider d’autres à la reconnaitre? Mon but sincère est de reconnaitre leur exemple unique et de m’efforcer en priant de m’en inspirer.
– Elizabeth Rochester, St. John’s, T.-N.
[1] Bahá’u’lláh, Prières bahá’íes, p. 242
[2]« Quand la nouvelle de la mort des sept martyrs de Yazd les atteint, elle donna un grand chagrin à Bahá’u’lláh. Haji Mirza Habibu’lláh écrit que pendant neuf jours toute révélation cessa et personne ne fut admis en sa présence […]. » [traduction] (H.M. Balyuzi, Bahá’u’lláh, King of Glory, p. 409)
[3]Quand Le Báb apprit le sort tragique de Fort Tabarsi, son chagrin « fit taire sa voix et sa plume. […] Durant une période de cinq mois, il languit, plongé dans un océan de tristesse et d’abattement. » (La chronique de Nabil, p. 405.)
[4] Shoghi Effendi, cité dans la compilation : Living the Life, p. 4.
[5] Bahá’u’lláh, Prayers and Meditations, p. 268
[6]La Maison universelle de justice, Naw-Rúz 2014