Nathaniel, mon guide dans les transports en commun

Publié le : 2017/07/21

NathanielENG

Une Albertaine, déléguée pour la première fois cette année, raconte comment une rencontre au hasard dans les transports en commun l’a aidée à mieux comprendre les conseils de la Maison universelle de justice contenus dans le plus récent message du Ridván, nous invitant à demeurer « attentifs aux possibilités qui existent partout de faire connaître à d’autres sa vie et sa mission sublime. »

 Le matin du dernier jour du Congrès national, alors que je me rendais au Centre bahá’í de Toronto, j’ai eu une expérience d’enseignement. Cette expérience était si extraordinaire que je dois vous en faire part. Vous devez garder à l’esprit que tout cet épisode s’est déroulé en moins de vingt-cinq minutes.

Je devais prendre un tramway pour me rendre au métro, mais comme j’attendais de monter à bord du tramway, l’homme qui était devant moi a eu de la difficulté et est tombé sur les marches. Je l’ai pris par la main et j’ai essayé de l’aider à se lever, mais il était trop faible. Personne n’est venu l’aider sauf un jeune homme noir qui avait des tresses chatoyantes. Il s’est assuré que les portes ne se refermeraient pas sur lui.

L’homme qui était tombé parlait à peine l’anglais. Il a relevé sa manche pour montrer au conducteur un bracelet d’hôpital, et il s’est mis à pleurer. Le conducteur a demandé une ambulance par radio et a dit aux passagers que le service ne reprendrait pas tout de suite. Tous les passagers sont descendus, sauf l’homme aux tresses et moi. Finalement, il est descendu lui aussi, et je l’ai suivi, étant donné que je ne savais pas où se trouvait la station de métro la plus près.

Sur la rue, il n’y avait personne d’autre que ce jeune homme. Je l’ai donc rattrapé, et lui ai demandé de m’indiquer où était la station de métro et si je pouvais passer les tourniquets avec ma correspondance. Il m’a dit de le suivre, ajoutant que je devrais expliquer ce qui s’était passé au préposé, pour qu’il me laisse passer. Je m’inquiétais que le jeune homme n’était peut-être pas très heureux d’être vu en compagnie d’une vieille dame blanche, mais j’ai quand même continué de marcher à ses côtés.

Il y avait du vent et j’avais mis mon capuchon avant d’arriver à l’intersection. Je n’avais pas regardé des deux côtés avant de quitter le trottoir. Le jeune homme m’a attrapée par le bras et m’a fait revenir sur le trottoir, au même moment qu’une automobile a fait un virage à droite devant nous. Il a dit « Faites attention! » Je lui ai répondu « Je vis sur une ferme en Alberta. J’ai l’habitude de faire attention à mes chevaux, et non à des autos! » Il s’est alors mis à rire d’une belle voix riche, le visage tourné vers le ciel. Après avoir fait quelques autres pas, il s’est remis à rire très fort. Quelle différence avec la situation qui existait cinq minutes plus tôt!

Je lui ai demandé où il allait si tôt un dimanche matin. Il a dit qu’il essayait de se rendre à son travail. Il m’a expliqué avec fierté qu’il réparait des embarcations dans le port. Avec humour, je lui ai dit que, de toute évidence, Dieu avait d’autres intentions à son sujet ce matin et qu’il lui avait donné comme mission d’aider les gens. Il avait aidé l’homme du tramway, il m’aidait à me rendre au métro, et il m’avait évité de me faire tuer par une auto. Il s’est remis à rire aux éclats. Je lui ai dit que je me rendais au Congrès bahá’í. Il m’a répondu qu’il venait de rencontrer un bahá’í. Je lui ai répondu : « Vous connaissez déjà un bahá’í? »

Il a dit « Non, je ne le connais pas. Je viens de le rencontrer. » Il était clair que cette personne lui avait fait bonne impression. Je lui ai dit que c’était une occasion pour moi de revoir des gens que je n’avais pas vus depuis une trentaine d’années, et que nous avions du plaisir à nous remémorer ce dont nous avions l’air avant d’avoir des rides et des cheveux gris. Il s’est remis à rire aux éclats.

À la station de métro, il m’a permis d’utiliser son laissez-passer pour m’éviter de devoir expliquer ma situation au préposé. Je lui ai demandé s’il allait venir lui aussi et il m’a répondu qu’il trouverait une autre façon d’entrer dans le métro. Je l’ai remercié depuis l’autre côté de la fenêtre et l’ai salué de la main. Mais j’ai fait l’erreur de descendre l’escalier. J’ai dû faire demi-tour et je suis à nouveau tombée sur lui. Il faut croire que notre conversation n’était pas encore terminée. Je lui ai demandé ce qui s’était passé et il a dit qu’il devait passer par un autre chemin parce qu’il ne pouvait pas se servir de son laissez-passer deux fois de suite. Il avait expliqué au préposé qu’il avait aidé « cette dame » en la laissant se servir de son laissez-passer et lui a demandé de le laisser entrer. Celui-ci lui a répondu « Pourquoi avez-vous fait une telle chose? »

Le jeune homme lui a répondu « Parce que je suis un être humain! » Nous avons ri jusqu’au quai. Maintenant, mon nouvel ami ne pouvait plus arrêter de sourire.

Sur le quai, il m’a demandé de sa riche et tranquille voix de baryton: « Alors, cette religion bahá’íe, c’est comme le bouddhisme, non? »

Je répondis « Oui, en ce sens que c’est une des principales religions mondiales. Notre prophète s’appelle Bahá’u’lláh. » Il m’a répondu : « J’ai toujours pensé que nous faisions tous partie d’un réseau qui existe depuis très longtemps et qu’environ tous les mille ans, un de ces personnages, comme Jésus, pousse le bouton de réinitialisation. » Étonnée, je l’ai regardé avec les yeux ouverts très grands. Je me suis dit « La révélation progressive! » Je lui ai dit « Oui! Mais il y en a plus que cinq et il ne s’agit pas d’une réinitialisation. Ils nous donnent ce dont nous avons besoin pour progresser. » Nous étions maintenant sur la même longueur d’onde, et avons parlé d’unité de la paix mondiale, de l’élimination des extrêmes de richesse et de pauvreté et du besoin de traiter tout le monde avec respect.

De sa voix basse et tranquille, pesant chaque idée, il dit « Quand je pense à la condition des gens, je pense à des arbres. Ils ont les pieds dans la terre, ils sentent la présence des autres arbres, mais cela ne les dérange pas. Ils se tiennent tous là, les chênes, les érables et les ormes. Ils ne dérangent personne. Ils se tiennent là et dansent. »

Je lui ai répondu : « Ouah ! Les bahá’ís aiment dire que nous sommes tous les fleurs d’un même jardin, mais je vais me servir de cette idée que nous sommes tous comme des arbres parce que c’est une bien jolie analogie! »

Nous attendions toujours sur le quai quand une dame polonaise s’est approchée pour lui demander son chemin. Patiemment, il lui a donné des indications sur le plan du réseau, et il lui a dit de rester près de lui. Il lui montrerait son chemin. J’ai souri et je l’ai taquiné de nouveau sur la mission qu’il avait d’aider les gens. En riant, il a dit « J’essaie seulement de me rendre à mon travail! » Une fois sur le métro, une autre dame lui a demandé des indications. Encore une fois, il s’est rendu utile. À ce point, nous riions tous les deux à propos de sa mission d’aider les gens. Je lui ai dit que j’aimerais beaucoup apprendre comment le reste de sa journée allait se passer. Il a ri et a dit : « Au point où j’en suis, mieux vaut improviser en suivant le cours des événements. »

Il m’a alors demandé où ma réunion avait lieu, et je lui ai expliqué où se trouvait le Centre bahá’í de Toronto. Après un moment, il m’a demandé de le lui préciser l’endroit exact. Je pouvais voir qu’il connaissait le secteur et qu’il tentait de localiser le Centre dans son esprit. À ce moment, on a annoncé ma station. Il m’a regardé avec bienveillance et a dit: « Comment vous appelez-vous? » « Marlene », ai-je répondu. « Et vous? »

« Nathaniel », a-t-il répondu.

« Quel beau nom! », ai-je dit.

« C’est un nom ancien », a-t-il dit. Bien sûr, puisqu’il est une « vieille âme ».

Je me souviens que la conseillère a dit que pour obtenir des résultats de nos conversations sérieuses, nous devions saisir les occasions et agir, en allant plus loin qu’une simple conversation. J’ai donc fouillé dans mon sac à main pour trouver un dépliant, mais je n’en ai pas trouvé un. Par contre, j’avais une carte de visite que j’avais créée pour de telles occasions, contenant quelques renseignements à mon sujet, comme le fait que je suis grand-mère, bahá’íe et que je fais de l’équitation, en plus de mes coordonnées. Je lui en ai donné une et il avait l’air confus. J’ai dit, « Je ne suis pas en affaires, mais c’est moi sur ce cheval. »

Il a lu le mot « équitation » et a dit avec enthousiasme « Est-ce que vous pourriez me donner des leçons? » J’ai répondu « Oui, si vous venez en Alberta je vous donnerai des leçons. » Nous sommes sortis de la voiture du métro.

Sur le quai, il m’a tendu la main pour me dire au revoir. « Je suis très heureuse de vous avoir rencontré », lui ai-je dit.

« Moi aussi », a-t-il répondu, « Je suis vraiment très heureux de vous avoir rencontrée. » Nous avons continué de nous serrer la main. « J’espère que nous nous rencontrerons de nouveau, un jour », ai-je ajouté.

« Je crois que nous nous reverrons. »

« Possiblement à une activité bahá’íe », me suis-je aventurée à suggérer.

« Je suis certain que cela arrivera », a répondu Nathaniel. Finalement, nous avons cessé de nous serrer la main.

Avant de se tourner pour partir et reprendre le métro, il a vérifié que je connaissais bien mon chemin. Il devait toujours se rendre à son travail. J’ai monté l’escalier qui menait à la rue, pleine d’étonnement. Je me suis mise à trembler. Durant ce court trajet en métro, tant de choses étaient arrivées. Vingt-cinq minutes après s’être rencontrés en venant en aide à une autre personne, deux étrangers très différents l’un de l’autre avaient établi une connexion spirituelle et étaient tristes de se quitter.

En marchant la distance d’un pâté de maisons qui sépare la station de métro du Centre bahá’í de Toronto, j’ai repensé à plusieurs choses que notre conseillère nous avait dites : chercher à prendre contact avec des personnes qui sont très différentes de nous. Des occasions d’avoir des conversations sérieuses et spontanées se présenteront à nous, mais elles ne se représenteront jamais plus. Il faut les discerner et les saisir. Elles se présenteront dans toutes sortes de contextes. Il faut mentionner le nom de Bahá’u’lláh. Je ne pensais vraiment pas à ces choses quand j’ai parlé à Nathaniel. C’est lui qui a dirigé la conversation et tout s’est déroulé naturellement. Il m’a suffi d’être ouverte. On nous promet que le Concours suprême nous viendra en aide si nous faisons un premier pas. Les gens sont prêts à entendre notre message. Il faut seulement que nous soyons prêts à saisir l’occasion.

– Marlene Semsch