Allocution de ‘Abdu’l-Bahá sur l’immortalité

Publié le : 2013/08/05

La résidence Maxwell, le 2 septembre 1912

On m’a suggéré d’aborder le sujet de l’immortalité.

La vie est l’expression de la combinaison ; la mort, celle de la décomposition. Dans le règne minéral, il existe certaines matières ou substances élémentaires. Lorsque, grâce à la loi de la création, elles se combinent, un être ou un organisme se forme. Par exemple, certains atomes matériels sont réunis, et l’être humain apparaît. Lorsque cette combinaison est détruite et se désintègre, la décomposition s’opère ; c’est l’état de mortalité, ou la mort. Quand certains éléments
sont combinés, un animal voit
le jour. Lorsque ces éléments se
dispersent ou se décomposent, on
parle de la mort de l’animal. De la
même façon, certains atomes se
lient par affinité chimique, et une combinaison appelée “fleur” apparaît. Lorsque ces atomes se dispersent et que la combinaison qu’ils formaient se désintègre, la fleur cesse d’exister, elle est morte. Il est donc clair que la vie est l’expression de la combinaison, et que l’état de mortalité, c’est-à-dire la mort, équivaut à la décomposition. Comme l’esprit humain n’est pas composé d’éléments matériels, il n’est pas sujet à la décomposition; il ne meurt donc pas. Il est évident que, pour être immortel, l’esprit humain doit être indivisible, singulier et non composé, et le fait que l’atome individuel ou indivisible soit indestructible est un axiome philosophique. Tout au plus passe-t-il par un processus de construction et de reconstruction. Par exemple, ces atomes individuels sont réunis dans une combinaison et, grâce à celle-ci, un organisme donné, un être humain, un animal ou une plante, est créé. Lorsque cette combinaison se décompose, l’organisme créé meurt, mais les atomes qui le composaient ne sont pas annihilés; ils continuent d’exister parce qu’ils sont indivisibles, singuliers et non composés. On peut donc dire de ces atomes singuliers qu’ils sont éternels. De la même façon, l’esprit humain, du fait qu’il n’est pas composé d’atomes singuliers et qu’il est sanctifié au-delà de ces éléments, est éternel. Voilà une preuve évidente de son immortalité.

Deuxièmement, pensez au monde des rêves, dans lequel le corps de l’homme est immobile, en apparence mort et insensible ; les yeux sont aveugles, les oreilles, sourdes et la langue reste muette. Mais l’esprit de l’homme ne dort pas: il voit, entend, se déplace, et perçoit et découvre des réalités. Il est donc évident que l’esprit de l’homme n’est pas affecté par les changements que subit le corps. Même si le corps matériel meurt, l’esprit demeure éternellement vivant, de même qu’il existe et fonctionne à l’intérieur d’un corps inerte dans le royaume des rêves. C’est donc que l’esprit est immortel et qu’il continuera d’exister après la destruction du corps.

Troisièmement, le corps humain a une seule forme. Dans le processus de combinaison, il est passé d’une forme à l’autre, mais il ne se présente jamais simultanément sous deux formes. Par exemple, il a existé sous la forme de substances élémentaires appartenant au règne minéral. Du règne minéral, il est passé par le règne végétal et ses substances constitutives ; du règne végétal, l’évolution l’a élevé jusqu’au règne animal puis, de là, il a atteint le règne humain. Après sa désintégration et sa décomposition, il retournera dans le règne minéral, abandonnant sa forme humaine et en adoptant une nouvelle. Au cours de ces processus, différentes formes se succèdent, mais jamais le corps n’en prend plus d’une à la fois.

L’esprit humain, par contre, peut se manifester sous plusieurs formes simultanément. Par exemple, on dit d’un objet qu’il est soit carré ou sphérique, triangulaire ou hexagonal. S’il est triangulaire, il ne peut être carré, et s’il est carré, il n’est pas triangulaire. De la même façon, il ne peut être en même temps sphérique et hexagonal. Ces différentes formes ne peuvent apparaître simultanément dans un même objet matériel. Par conséquent, il faut que la forme du corps humain soit détruite et abandonnée avant qu’il puisse en adopter ou en revêtir une nouvelle. L’état de mortalité, alors, signifie le transfert d’une forme à une autre, c’est-à-dire le transfert du règne humain au règne minéral. Quand le corps humain est mort, il retourne à la poussière, et ce transfert équivaut à la non-existence. Mais l’esprit humain comprend en lui-même toutes ces formes et ces diverses figures. Il n’est pas possible de briser ou de détruire une forme pour qu’elle en devienne une autre. En voici une preuve : actuellement, en esprit, vous voyez la forme du carré et la figure du triangle. Vous pouvez aussi, simultanément, concevoir une forme hexagonale. L’esprit humain peut concevoir toutes ces formes en même temps, et aucune d’entre elles ne doit être détruite ou brisée pour que l’esprit humain en conçoive une autre. Il n’y a ni annihilation ni destruction; l’esprit humain est immortel parce qu’il ne passe pas d’un corps à un autre.

 

Voici une autre explication. Toute cause entraîne un effet, et vice versa ; il ne peut y avoir d’effet sans qu’il y ait d’abord eu une cause. La vue est un effet ; derrière cet effet, il y a indubitablement une cause. Quand nous entendons un discours, c’est qu’il y a un orateur. Nous ne pourrions pas entendre de paroles si elles n’étaient pas prononcées par un orateur. Un mouvement sans auteur ou cause est inconcevable. Jésus-Christ a vécu il y a deux mille ans. Aujourd’hui, nous voyons les signes évidents de son existence : sa lumière brille, sa souveraineté est établie, les traces qu’il a laissées sont visibles, ses bienfaits sont éclatants. Peut-on dire que le Christ n’a pas existé ? Nous pouvons conclure sans l’ombre d’un doute que le Christ a existé et que c’est de lui que proviennent ces traces.

Encore une autre explication : le corps humain peut maigrir ou engraisser ; il est affligé de maladies et de blessures ; les yeux deviennent aveugles, les oreilles, sourdes, mais aucune de ces imperfections, aucun de ces défauts ne touche ni n’affecte l’esprit. L’esprit humain reste dans le même état et demeure inchangé. Un homme perd la vue, mais son esprit ne change pas. Il n’entend plus, une de ses mains est coupée, un de ses pieds est amputé, mais son esprit reste le même. Il devient léthargique ou souffre d’apoplexie, mais cela n’entraîne aucune différence, aucun changement, aucune altération dans son esprit. Cela prouve que la mort ne détruit que le corps, alors que l’esprit demeure immortel, éternel.

Je le répète, tous les phénomènes du monde physique sont soumis à la mort. Mais l’esprit immortel n’appartient pas au monde phénoménal ; il est saint et sanctifié au- delà de l’existence physique. Si l’esprit humain appartenait à l’existence élémentaire, l’œil pourrait le voir, l’oreille l’entendre, la main le toucher. Comme les cinq sens ne peuvent le percevoir, il n’appartient indubitablement pas au monde élémentaire et, par conséquent, il est au-delà de la mort qui est indissociable de l’existence physique. Si le fait d’« être » n’est pas soumis aux limitations de la vie physique, il n’est pas non plus soumis à la mort.

Il existe de nombreuses autres preuves de l’immortalité de l’esprit humain. Ce ne sont là que quelques-unes d’entre elles. Salutations à vous !