Allocution à l’église du Messie
1er septembre 1912
Dieu, le Tout-Puissant, a créé toute l’humanité de la poussière de la terre. Il a façonné tous les êtres humains à partir des mêmes éléments ; tous descendent de la même race et vivent sur la même terre. Il les a créés pour qu’ils vivent sous le même ciel. Comme ils sont les membres de la famille humaine et qu’ils sont ses enfants, il les a dotés de la même sensibilité. Il subvient aux besoins de tous, il les protège tous et est bon envers tous. Il a fait preuve de la même grâce et de la même miséricorde envers tous ses enfants. Agissant avec impartialité en amour et en sagesse, il a envoyé ses prophètes et ses enseignements divins. Ses enseignements constituent le moyen d’établir l’unité et la fraternité parmi le genre humain, et de susciter l’amour et la bonté dans le cœur des hommes. Il proclame l’unité du royaume de l’humanité. Il réprouve ce qui crée des différends et rompt l’harmonie. Il loue tout ce qui peut contribuer à la solidarité de l’espèce humaine. Il encourage l’homme à chaque étape de l’évolution menant à l’union ultime. Les prophètes de Dieu ont été inspirés par le message d’amour et d’unité. Les livres de Dieu ont été révélés pour établir la fraternité et la bonne entente. Les prophètes de Dieu ont été les serviteurs de la réalité ; leurs enseignements constituent la science de la réalité. La réalité est une ; elle n’admet pas la pluralité. Nous en concluons donc que les religions de Dieu ont un fondement unique. Malgré cela, on s’est obstinément attaché à certaines formes et imitations qui sont sans rapport avec ce qui constitue la base des enseignements des prophètes de Dieu. Comme ces imitations sont multiples et variées, les conflits et les dissensions prévalent parmi ceux qui ont une croyance religieuse, et le fondement de la religion de Dieu s’en trouve masqué. Tels des prédateurs, les hommes se font la guerre et s’entretuent, détruisant villes et foyers, dévastant pays et royaumes.
Dieu a créé ses serviteurs pour qu’ils s’aiment et se fréquentent. Il a manifesté à l’humanité la splendeur glorieuse du soleil de son amour. La cause de la création du monde phénoménal est l’amour. Tous les prophètes ont promulgué la loi de l’amour. L’homme s’est opposé à la volonté de Dieu et est allé à l’encontre du plan divin. Par conséquent, de temps immémorial jusqu’à ce jour, l’humanité n’a jamais connu de paix durable ; la guerre et la dissension ont constamment sévi, et la haine a habité les cœurs. Les luttes, les tueries, les conflits et la haine qui ont sévi de tout temps ont été causés par des préjugés religieux, raciaux, patriotiques ou politiques. Par conséquent, l’humanité a toujours beaucoup souffert. Ces préjugés sont plus forts en Orient, là où la liberté est limitée. Au XIXe siècle, les nations de l’Est étaient agitées et désorganisées. Les ténèbres de l’imitation et de l’apparence avaient envahi la croyance religieuse. Les adeptes des diverses religions étaient constamment en lutte, consumés par l’inimitié, la haine et l’amertume. C’est dans ce contexte qu’est apparu Bahá’u’lláh. Il a proclamé l’unité du genre humain et annoncé que tous les êtres humains sont les serviteurs de Dieu. Il a enseigné que toutes les religions sont sous la protection du Tout-Puissant, que Dieu est miséricordieux et bon envers tous, que les révélations de tous les prophètes du passé sont parfaitement en accord et en harmonie, que les livres célestes se sont confirmés les uns les autres. Pourquoi alors y aurait-il conflit et discorde entre les êtres humains ?
Puisque toute l’humanité a été créée par le Dieu unique, nous sommes comme un troupeau que protège un seul berger. En tant que ses brebis, nous devons donc vivre dans la concorde et l’harmonie. Si un agneau s’éloigne du troupeau, les pensées et les actions de tous les autres doivent avoir pour but de le ramener. C’est pourquoi Bahá’u’lláh a proclamé que, puisque Dieu est le Pasteur céleste et l’humanité son troupeau, la religion ou les directives divines doivent être les voies de l’amour et de la fraternité dans le monde. Si la religion se révèle source de haine, d’inimitié et de discorde, si elle provoque guerres et conflits, si elle pousse les hommes à s’entretuer, il vaudrait mieux qu’elle n’existe pas. Car Dieu condamne ce qui engendre la haine parmi les êtres humains, et il aime et approuve ce qui établit la fraternité. La religion et les enseignements divins sont semblables à un remède. Un remède doit redonner la santé. S’il aggrave la maladie, mieux vaut en être privé. Voilà ce que signifie la déclaration selon laquelle, si la religion provoque guerres et tueries, alors l’irréligion et l’absence de religion sont préférables pour l’humanité.
Bahá’u’lláh a déclaré que la religion doit être en harmonie avec la science et la raison. Si elle ne correspond pas aux principes scientifiques et aux opérations de la raison, elle est superstition. Car Dieu nous a dotés de facultés qui nous permettent de comprendre la réalité des choses, d’examiner la réalité même. Si la religion s’oppose à la raison et à la science, la foi est impossible ; et lorsque la foi et la confiance dans la religion divine sont absentes du cœur, il ne peut y avoir d’accomplissement spirituel.
Selon les enseignements de Bahá’u’lláh, il faut abandonner tous les préjugés religieux, raciaux, nationalistes et politiques, car ils sapent le véritable fondement de l’humanité. Il a déclaré que la religion de Dieu est unique, car toutes ses révélations se fondent sur la réalité. Abraham a appelé le peuple à la réalité ; Moïse a proclamé la réalité et le Christ l’a établie. De même, tous les prophètes ont servi et proclamé la réalité, qui est une et indivisible. Par conséquent, les préjugés et la bigoterie qui existent aujourd’hui parmi les religions sont injustifiables, puisqu’ils s’opposent à la réalité. Tous les préjugés contrarient la volonté et le plan de Dieu. Considérez par exemple la discrimination et la haine raciales. Tous les êtres humains sont les enfants de Dieu et appartiennent à la même famille, à la même espèce originelle. Il ne peut y avoir plusieurs races puisque tous descendent d’Adam. Ce qui veut dire que les présomptions et les distinctions raciales ne sont que superstitions. Aux yeux de Dieu, il n’existe ni Anglais, ni Français, ni Allemands, ni Turcs, ni Persans. Devant Dieu, tous sont égaux et sont issus de la même race et de la même création. Dieu n’a pas créé ces divisions ; c’est à l’homme que l’on doit de telles distinctions. Donc, puisqu’elles contrarient l’objet et le but de la réalité, elles sont fausses et imaginaires. Nous appartenons physiquement à une seule race, de la même manière que nos corps sont physiquement semblables : nous avons deux yeux, deux oreilles, une tête, deux pieds. Le préjugé racial n’existe pas chez les animaux. Prenons les colombes : il n’y a pas de distinction entre elles, qu’elles soient d’Orient ou d’Occident. Les moutons appartiennent tous à la même race ; il n’y a pas de présomption de différence entre un mouton d’Orient et un mouton d’Occident. Lorsqu’ils se rencontrent, ils vivent en parfaite harmonie. Si une colombe d’Occident se rend en Orient, elle y fréquentera sans hésiter les colombes. Elle n’aura aucune hésitation ni ne se dira : « Vous êtes d’Orient, moi, je suis d’Occident.» Est-il raisonnable ou acceptable que l’homme nourrisse un préjugé racial qui est absent chez le règne animal ?
Prenons le préjugé nationaliste. Cette terre est une seule planète, un seul pays, une seule patrie. Dieu ne l’a pas divisée selon des frontières nationales. Il a créé tous les continents sans divisions nationales. Pourquoi nous faut-il introduire ces divisions? Ce ne sont que des limites et des frontières imaginaires. L’Europe est un continent; les divisions qu’on y trouve ne proviennent pas de la nature. C’est l’homme qui a fixé les limites des royaumes et des empires. L’homme décide qu’une rivière délimite la frontière entre deux pays, qu’une rive appartient à la France, et l’autre, à l’Allemagne, alors que la rivière a été créée pour ces deux pays et constitue une voie de communication naturelle pour tous. N’est-ce pas l’imagination et l’ignorance qui poussent l’homme à aller à l’encontre du dessein de Dieu et à faire de la générosité divine une source de guerre, de carnage et de destruction? Donc, tous les préjugés entre les êtres humains sont de pures inventions et contreviennent à la volonté divine. Dieu souhaite l’unité et l’amour, il ordonne l’harmonie et la fraternité. L’inimitié est désobéissance humaine, alors que Dieu est amour.
Bahá’u’lláh a déclaré qu’étant donné que l’ignorance et le manque d’éducation constituent des barrières qui divisent l’humanité, tous doivent recevoir une formation et une instruction. Cette mesure remédiera au manque de compréhension mutuelle et permettra à l’unité de l’humanité d’avancer et de progresser. L’éducation pour tous est une loi universelle. Il incombe donc à chaque père d’éduquer et d’instruire ses enfants dans la mesure de ses possibilités. S’il lui est impossible de le faire, le corps politique, qui représente le peuple, doit fournir les moyens de les éduquer.
En Orient, les femmes étaient dépréciées et considérées comme subordonnées à l’homme. Bahá’u’lláh a proclamé l’égalité des sexes, c’est-à-dire que l’homme et la femme sont l’un et l’autre les serviteurs de Dieu, pour qui il n’y a pas de différence. Quiconque a le cœur pur et accomplit de bonnes actions s’approche de Dieu et est l’objet de son approbation, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme. La discrimination sexuelle qui existe dans le monde est due au manque d’éducation des femmes, qui se sont vu refuser l’égalité des chances de développement et de progrès. L’égalité des sexes s’établira proportionnellement à l’amélioration des possibilités offertes aux femmes en cette époque, car l’homme et la femme reçoivent de Dieu, le Créateur, une part égale de capacités et d’attributs. Dans son parfait dessein, Dieu n’a pas décrété de distinction entre eux.
Bahá’u’lláh a proclamé l’adoption d’une langue universelle. On conviendra d’une langue qui permettra d’établir l’unité dans le monde. Chacun devra étudier deux langues: sa langue maternelle et la langue auxiliaire universelle. Cela facilitera l’intercommunication et dissipera les malentendus provoqués par les barrières linguistiques dans le monde. Tous adorent le même Dieu et en sont les serviteurs. Quand ils pourront communiquer librement, ils se rassembleront dans l’amitié et la concorde, ressentiront les uns pour les autres l’amitié et l’amour les plus profonds, et en vérité l’Orient et l’Occident connaîtront l’unité et l’harmonie.
Le monde a impérativement besoin de la paix universelle. Tant que la paix ne sera pas établie, l’humanité ne connaîtra ni le calme ni la tranquillité. Les nations et les gouvernements doivent établir un tribunal international auquel ils soumettront tout différend et tout désaccord. Les décisions de ce tribunal seront sans appel. Un tribunal local statuera sur les conflits interpersonnels. Les controverses internationales seront entendues par le tribunal mondial, et ainsi les causes de la guerre disparaîtront.
Il y a cinquante ans, Bahá’u’lláh a adressé aux rois et aux dirigeants du monde des épîtres qui renfermaient et exposaient les préceptes et les principes qu’il a révélés. Ces épîtres ont été publiées en Inde, il y a quarante ans, et largement diffusées.
En résumé, en promulguant ces principes, Bahá’u’lláh a fait disparaître les préjugés qui affligeaient les Orientaux. Les communautés qui ont accepté ses enseignements vivent désormais dans l’harmonie et l’amour les plus parfaits. Si vous assistez à une de leurs rencontres, vous y trouverez des chrétiens, des juifs, des musulmans, des zoroastriens, des bouddhistes réunis dans une camaraderie et une harmonie véritables. Dans leurs discussions, un esprit de très grande tolérance et d’amitié a remplacé l’hostilité et la haine qui caractérisaient autrefois leurs relations.
J’ai voyagé en Amérique et, partout, j’ai vu les signes d’un gouvernement juste et équitable. Je prie donc Dieu que ces peuples occidentaux deviennent les instruments qui permettront d’établir la paix internationale et de propager l’unité de l’humanité. Puissiez-vous devenir la cause de l’unité et de la concorde parmi les nations. Que s’allume ici une lampe qui répandra dans tout l’univers la lumière de l’unicité de l’humanité, de l’amour entre les enfants des hommes et de l’unité du genre humain. J’espère que vous serez soutenus dans cet accomplissement suprême, que vous lèverez l’étendard de la paix et de la réconciliation internationales sur ce continent, que ce gouvernement et ce peuple seront les instruments qui répandront ces nobles idéaux, afin que l’humanité trouve le repos, que Dieu, le Très-Haut, soit satisfait et qu’il prodigue ses faveurs à l’Orient et à l’Occident.
Ô toi, le Compatissant, le Tout-Puissant ! Cette assemblée d’âmes se tourne vers toi et te supplie à genoux. Avec profonde humilité et parfaite soumission, elle regarde vers ton royaume et implore ta grâce et ton pardon. Ô Dieu ! Permets-lui de gagner ton affection ! Sanctifie ces âmes et fais briller sur elles les rayons de ta providence. Illumine leur cœur et, de ta bonne nouvelle, réjouis leur esprit. Accueille-les toutes dans ton saint royaume ; sois infiniment généreux envers elles ; rends-les heureuses en ce monde et dans l’au-delà. Ô Dieu ! Nous sommes faibles, fortifie-nous. Nous sommes pauvres, prodigue-nous tes trésors infinis. Nous sommes malades, accorde-nous ta guérison divine. Nous sommes impuissants, donne-nous ton pouvoir céleste. Ô Seigneur ! Rends-nous utiles en ce monde; libère-nous de l’égoïsme et des passions. Ô Seigneur ! Unis-nous en ton amour et permets-nous d’aimer tous tes enfants. Confirme-nous dans notre service à l’humanité pour que nous devenions les serviteurs de tes serviteurs, que nous aimions toutes tes créatures et que nous soyons compatissants envers tous. Ô Seigneur, tu es le Tout-Puissant. Tu es le Miséricordieux. Tu es le Clément. Tu es l’Omnipotent.