La déclaration du Báb

Publié le : 2019/05/22

Jusqu’au bicentenaire de la naissance du Báb, nous vous raconterons l’histoire des débuts de la Foi, en nous inspirant particulièrement du récit « La Chronique de Nabil ». La Maison Universelle de Justice a récemment rappelé ces « héroïnes et héros dont la foi s’est manifestée dans d’incomparables actes d’abnégation qui enrichiront à jamais les annales de la Cause, » soulignant leur « courage, leur dévouement et leur détachement de tout sauf de Dieu… »[i]. En nous consacrant aux « actes de service requis en ce temps », nous imitons « les nobles qualités de [nos] ancêtres spirituels[ii]. »

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Détail des arches de la salle où le Báb a déclaré sa mission. Photo, courtoisie de la médiathèque Bahá’íes.

Nous commençons par le récit de Mullá Husayn de la Déclaration du Báb, dont la portée torrentielle a donné lieu à de futurs actes héroïques. C’est environ une heure après le coucher du soleil que le Báb invita Mullá Husayn dans sa maison et commença à converser avec lui. C’est là que le Báb s’est révélé comme celui que Mullá Husayn cherchait ardemment. Ce soir-là, après avoir été témoin de la puissance de la révélation du Báb et de la nature exaltée de son caractère, un Mullá Husayn envoûté est devenu le premier disciple de sa Cause.

Le récit de Mullá Husayn se poursuit :

Finalement, je me levai à contre-coeur de mon siège et demandai la permission de partir. En souriant il me pria de me rasseoir et dit : « Si vous partez dans un état pareil, quiconque vous verra dira certainement : “Ce pauvre jeune homme a perdu la tête.” »  À ce moment, l’horloge marquait deux heures et onze minutes après le coucher du soleil. Cette nuit-là, la veille du cinquième jour de jamadiyu’l avval de l’an 1260 après l’hégire correspondait à la veille du soixante-cinquième jour après Naw-Rúz qui était aussi la veille du Khurdad de l’an Nahang.

« Cette nuit, déclara-t-il, cette même heure sera, dans les temps à venir, célébrée comme l’une des fêtes les plus grandes et les plus significatives. Rendez grâce à Dieu de vous avoir aidé à réaliser le désir de votre cœur et à boire du vin scellé de sa parole. Bienheureux ceux qui y parviennent. »

À la troisième heure après le coucher du soleil, mon hôte donna l’ordre de servir le dîner. Ce même domestique éthiopien réapparut et étala devant nous une nourriture des plus choisies. Ce saint repas ranima aussi bien mon corps que mon âme. À cette heure, en présence de mon hôte, il me semblait me nourrir des fruits du paradis. Je ne pouvais que m’émerveiller devant les manières et les attentions dévouées de ce serviteur éthiopien dont la vie même paraissait avoir été transformée par l’influence régénératrice de son maître. Alors, pour la première fois, je reconnus la portée de ces paroles traditionnelles bien connues attribuées à Muhammad : « J’ai préparé, à l’intention de ceux de mes serviteurs pieux et justes, ce qu’œil n’a jamais vu, ni oreille jamais entendu, ni cœur humain jamais conçu. » Si mon jeune hôte ne visait d’autre but que la grandeur, il pouvait estimer l’avoir atteint, car le seul fait d’être reçu avec une hospitalité et une bonté dont, j’en suis convaincu, aucun autre être humain ne pourrait faire preuve, me suffisait.

J’étais assis, fasciné par ses paroles, oublieux du temps et de ceux qui m’attendaient. Soudain le cri du mu’adhdhin appelant les fidèles à la prière matinale, me tira de l’état d’extase dans lequel je semblais être tombé. Toutes les délices, toutes les gloires ineffables dont le Tout-Puissant parle dans son livre comme les biens inestimables des habitants du paradis, semblaient être à moi cette nuit-là. Il me semblait me trouver dans un endroit dont on pourrait réellement dire : aucune peine ne nous atteindra, aucune lassitude ne nous touchera. Là, on n’entendra aucun vain discours ni aucun mensonge, mais uniquement le cri : « Paix! Paix! » Le cri qu’on y lancera sera : « Gloire à toi, ô Dieu! » et la salutation sera : « Paix! » Et le cri se terminera par : « Louange à toi, Seigneur de toutes les créatures ! »

Le sommeil m’avait quitté cette nuit-là. J’étais ravi par la mélodie de cette voix qui s’élevait et s’abaissait tandis qu’il psalmodiait; tantôt elle se haussait et ce, lorsqu’il révélait les versets du Qayyamu’l-Asma,  tantôt elle acquérait des harmonies éthérées et subtiles, et ce, au moment où il prononçait les prières qu’il révélait. À la fin de chaque invocation, il répétait ce verset : « Loin de la gloire de ton Seigneur, le Très-Glorieux, est ce que ses créatures affirment de Lui! Et paix sur ses messagers! Et louange à Dieu, le Seigneur de tous les êtres ! »

Ensuite, il s’adressa à moi en ces termes : « Ô toi qui es le premier à croire en moi! En vérité je le dis, je suis le Báb, la Porte de Dieu, et tu es le Bábu’l-Báb, la porte de cette Porte. Dix-huit âmes doivent d’abord, spontanément et de leur plein gré, m’accepter et reconnaître la vérité de ma révélation. Sans avoir été avertie ni invitée, chacune de ces âmes devra, indépendamment, chercher à me trouver. Et lorsque leur nombre sera complet, l’une d’elles devra être choisie pour m’accompagner dans mon pèlerinage à La Mecque et à Médine. Là je délivrerai le message de Dieu au sharíf de La Mecque. Je retournerai ensuite à Kufih où, de nouveau, dans la mosquée de cette cité sainte, je manifesterai sa cause. Il vous incombe de ne pas divulguer, ni à vos compagnons, ni à toute autre personne, ce que vous avez vu et entendu. Soyez occupé à la mosquée Ilkhani à prier et à enseigner. Moi aussi, je vous y rejoindrai pour la prière en commun. Prenez garde à ce que votre attitude envers moi ne trahisse le secret de votre foi. Vous devrez poursuivre cette occupation et maintenir cette attitude jusqu’à notre départ pour Hijaz. Avant de partir, nous assignerons à chacune des dix-huit âmes sa mission spécifique et nous les enverrons toutes au loin accomplir leur tâche. Nous leur apprendrons à enseigner la parole de Dieu et à raviver les âmes des hommes. » Après avoir prononcé ces paroles, il me congédia. M’accompagnant jusqu’à la porte de la maison, il me confia à Dieu.

Cette révélation qui venait de m’être imposée d’une manière si soudaine et si impétueuse sembla, pendant un certain temps, tel un coup de foudre, avoir paralysé mes facultés. J’étais aveuglé par son éblouissante splendeur et accablé par sa force écrasante. L’émotion, la joie, la crainte et l’émerveillement remuaient les profondeurs de mon âme. Parmi ces sensations prédominait un sentiment de joie et de force qui semblait m’avoir transfiguré. Comme auparavant je m’étais senti faible et impuissant, timide et déprimé; je ne pouvais, à ce moment ni écrire ni marcher, tant mes mains et mes pieds tremblaient. Mais désormais, la connaissance de sa révélation galvanisait tout mon être. Je sentais en moi un courage et une puissance tels que même si le monde entier, tous ses peuples et ses potentats, devaient se liguer contre moi, je résisterais, seul et intrépide, à leurs assauts. L’univers ne semblait qu’une poignée de poussière dans ma main. Il me semblait être la voix de Gabriel personnifiée, appelant toute l’humanité en ces termes : « Réveille-toi. Regarde! La lumière de l’aube a pointé. Lève-toi, car sa cause est manifestée. La porte de sa grâce est grande ouverte; entrez-y, ô peuples du monde, car celui qui est votre Promis est venu! »

— La Chronique de Nabil, p. 55 à 57.

[i] La Maison universelle de justice, message aux bahá’ís du monde, Ridván 2018

[ii] Le Département du secrétariat de la Maison universelle de justice, lettre à toutes les assemblées spirituelles nationales, le 1er juin 2018.