Allocution de ‘Abdu’l-Bahá à l’église St. James
Le 5 septembre 1912
Loué soit Dieu ! Un profond sentiment de bonheur m’habite ce soir alors que je suis parmi vous, car j’ai devant moi les visages de gens qui poursuivent sérieusement leur quête de la réalité et souhaitent sincèrement découvrir la vérité. Dieu a créé l’homme et l’a doué du pouvoir de la raison, grâce à laquelle il peut arriver à des conclusions valables. C’est pourquoi l’homme doit, en toutes circonstances, s’efforcer d’étudier la réalité fondamentale. S’il n’étudie pas de façon autonome, il néglige le talent dont Dieu l’a doté. Je suis content du peuple américain parce qu’en règle générale, il est constitué de gens qui cherchent la vérité de façon autonome. Leur esprit est actif, plutôt que de demeurer oisif et inculte, ce qui est digne d’éloges.
Certains croient qu’il peut y avoir interruption de la générosité de Dieu, comme si les faveurs divines étaient tantôt prodiguées à l’humanité, et lui étaient tantôt refusées et prenaient fin. Si on réfléchit attentivement à cette question, on constate qu’une telle affirmation constitue en fait un rejet de la divinité, car c’est en vertu de ses dons et de ses faveurs que se manifeste la réalité de la divinité. Toute interruption de la générosité de Dieu équivaudrait à une interruption de la souveraineté de Dieu. Le soleil est ce qu’il est grâce à ses rayons et à sa chaleur ; c’est ce qu’il donne qui fait de lui le soleil. Mais s’il arrivait que sa splendeur et son rayonnement cessent de se manifester, il ne serait plus le soleil. Par conséquent, il est inconcevable que les faveurs de la divinité soient interrompues, car les attributs divins sont intemporels. Dieu a toujours été divin, il a toujours exercé sa souveraineté et il possède encore une divinité et une souveraineté éternelles. Il est semblable au soleil, qui a toujours répandu splendeur, lumière et chaleur, et qui continuera de posséder ces dons et ces qualités. Si jamais son rayonnement devait cesser, on ne l’appellerait plus le soleil. L’esprit doué de raison en conclut donc que les faveurs de l’Esprit saint sont constantes et que les âmes saintes bénéficient sans cesse de ces émanations divines. Le pouvoir de l’Esprit saint est éternel, et non temporaire, car la sainteté de l’Esprit saint réside dans son pouvoir et son effectivité qui se manifestent dans les esprits qu’il vivifie. Nous prions pour que tous, nous recevions ses faveurs, que nous soyons éclairés par la lumière céleste, édifiés par les préceptes de Dieu et imprégnés des vertus d’un caractère divin, comme des miroirs qui réfléchiraient la lumière du soleil. Si le miroir ne reflète pas la lumière du soleil, il n’est que matière inanimée et terne. De la même façon, les cœurs et les esprits humains, s’ils sont privés de leur part de la générosité de l’Esprit saint, demeurent dans les profondeurs de l’obscurité et de l’ignorance.
De toute éternité, les enseignements divins ont été continuellement révélés et les bienfaits de l’Esprit saint se sont toujours manifestés. Tous les enseignements constituent une seule réalité, car elle est unique et n’admet pas la multiplicité. Par conséquent, les prophètes divins ne font qu’un, en ce sens qu’ils révèlent l’unique réalité, la parole de Dieu. Abraham a prodigué des enseignements basés sur la réalité, Moïse a proclamé la réalité, Jésus-Christ l’a établie, et Bahá’u’lláh a été le messager et le héraut de la réalité. Mais, ayant abandonné l’unique réalité essentielle et fondamentale qui sous-tend la religion de Dieu et s’attachant aveuglément aux simulacres que constituent les interprétations et les formes ancestrales de croyance, l’humanité se trouve divisée et désunie par la discorde, la dissension et la bigoterie des diverses sectes et factions religieuses. Si tous étaient fidèles à l’origine réelle du prophète et de ses enseignements, les peuples et les nations du monde seraient unifiés, et les querelles qui les divisent, oubliées. Pour réaliser cette grande et nécessaire unité dans la réalité, Bahá’u’lláh est apparu en Orient et a renouvelé les fondements des enseignements divins. Présentée sous forme de principes et de préceptes applicables aux besoins et à la situation du monde moderne, développée et adaptée aux questions de l’heure et aux problèmes humains les plus cruciaux, sa révélation de la Parole englobe parfaitement les enseignements de tous les prophètes. C’est-à-dire que les paroles de Bahá’u’lláh sont l’essence des paroles des prophètes du passé. Elles constituent l’esprit même de cette époque et la cause de l’unité et de l’illumination de l’Orient et de l’Occident. Les adeptes de ses enseignements obéissent aux préceptes et aux ordonnances de tous les messagers divins du passé. La lumière de la révélation de Bahá’u’lláh dissipe les différends et la dissension qui sapent les bases de l’humanité et s’opposent à la volonté et au bon plaisir de Dieu; des problèmes difficiles sont résolus, l’unité et l’amour sont établis. Car Dieu souhaite voir régner l’amour et s’établir l’unité et l’amitié dans le monde, alors que la discorde, la dissension, la guerre et les conflits sont des résultantes funestes qui vont à l’encontre de la volonté du Miséricordieux. Pour que les âmes, les consciences et les esprits des hommes puissent connaître le progrès et la tranquillité, et atteindre à un plus vaste horizon d’unité et de savoir, Bahá’u’lláh a proclamé certains principes ou enseignements. J’en mentionnerai quelques-uns.
Premièrement, l’homme doit étudier la réalité de façon autonome, car les désaccords et les différends qui affligent et affectent l’humanité proviennent essentiellement de l’imitation de croyances ancestrales et de l’adhésion à des formes héréditaires d’adoration. Cette imitation est accidentelle et n’est pas sanctionnée dans les livres sacrés. Elle résulte d’interprétations et d’enseignements humains qui ont émergé, voilant peu à peu la véritable lumière de la signification divine et provoquant conflits et dissensions parmi les hommes. La réalité proclamée dans les livres célestes et les enseignements divins prédispose toujours à l’amour, à l’unité et à l’amitié.
Deuxièmement, l’unité de l’humanité sera réalisée, acceptée et établie. Si on réfléchit à ce principe béni, il deviendra clair et évident qu’il représente le remède à tous les maux de l’humanité. Tous les êtres humains sont les serviteurs de Dieu, le Glorieux, notre Créateur. Il les a tous créés. Il les a assurément tous aimés de la même façon, sinon, il ne les aurait pas créés. Il les protège tous. Il ne fait aucun doute qu’il aime ses créatures, sinon, il ne les protégerait pas. Il subvient aux besoins de tous, démontrant ainsi son amour pour tous, sans distinction ni préférence. Il témoigne envers tous de sa parfaite bienveillance et de sa tendre bonté. Il ne punit ni nos péchés ni nos manquements, et nous sommes tous plongés dans l’océan de son infinie miséricorde. Si Dieu est clément et aimant envers ses enfants, indulgent et miséricordieux devant nos défauts, pour quelle raison serions-nous méchants et sévères les uns envers les autres ? Comme il aime toute l’humanité sans distinction ni préférence, pour quelle raison n’aimerions-nous pas les autres ? Pouvons-nous concevoir une méthode et un plan supérieurs au dessein de Dieu ? De toute évidence, non. Nous devons donc nous efforcer d’accomplir la volonté du Seigneur glorieux et d’imiter sa méthode qui consiste à aimer toute l’humanité. La sagesse et la méthode de Dieu sont réalité et vérité, alors que la méthode humaine est accidentelle et restreinte à notre compréhension limitée. La méthode de Dieu est infinie. Nous devons suivre son exemple. Si une personne est affligée et indécise, il faut lui offrir un remède ; si elle est ignorante, il faut l’éduquer; si elle est imparfaite, il faut travailler et parfaire ce qui fait défaut ; si elle est immature et non développée, nous devons lui procurer les moyens d’atteindre à la maturité. Personne ne devrait être détesté ni négligé. Au contraire, les imperfections devraient attirer plus de bonté et de compassion. Ainsi, si nous suivons l’exemple du Seigneur Dieu, nous aimerons toute l’humanité de tout notre cœur, et la voie menant à l’unité de l’humanité nous apparaîtra aussi claire et évidente que la lumière du soleil. Et par notre exemple, la lumière de l’amour de Dieu brillera parmi les hommes. Car Dieu est amour, et tous les phénomènes dérivent et émanent de ce flot divin de création. L’amour de Dieu auréole toutes choses créées. Si ce n’était de l’amour de Dieu, aucun être animé n’existerait. C’est une vérité et une conception claires et évidentes, à moins qu’un homme ne soit plongé dans les superstitions et prisonnier de ses imaginations, établissant des différences entre les êtres humains, selon son propre jugement, en aimant certains et en détestant d’autres. Une telle attitude est indigne et ignoble.
Troisièmement, la religion doit être le principal agent et la source de l’amour dans le monde, car la religion révèle la volonté de Dieu, dont le fondement divin est l’amour. Par conséquent, si la religion s’avère être une cause d’inimitié et de haine plutôt que d’amour, son absence est préférable à son existence.
Quatrièmement, la religion doit être en accord et en harmonie avec la science et la raison. Si les croyances religieuses de l’humanité sont contraires à la science et s’opposent à la raison, elles ne sont rien d’autre que des superstitions dénuées d’autorité divine, car le Seigneur Dieu a doté l’homme de la faculté de raisonnement afin qu’il découvre, grâce à elle, les vérités de l’existence. La raison permet de pénétrer la réalité des choses, et ce qui contredit ses conclusions est le fruit de l’imagination et des chimères humaines.
Cinquièmement, le préjugé, qu’il soit religieux, racial, nationaliste ou politique dans son origine et sa forme, détruit les bases de l’humanité et contredit les commandements divins. Dieu a envoyé ses prophètes dans l’unique but de créer l’amour et l’unité dans le cœur humain. Tous les livres divins portent sur l’amour. S’ils se révèlent être une source de préjugés ou de désaffection parmi les hommes, c’est qu’ils sont devenus stériles. Le préjugé religieux est donc celui qui s’oppose le plus fortement à la volonté et au commandement de Dieu. Les préjugés raciaux et nationalistes, qui divisent l’humanité en groupes et en segments, reposent également sur une base fausse et injustifiable, car tous les hommes sont les enfants d’Adam et sont, essentiellement, issus d’une même famille. Il ne devrait exister aucune aliénation, ni raciale ni nationale, au sein de l’humanité. Les distinctions entre Français, Allemands, Persans, Anglo-Saxons sont humaines et artificielles ; aux yeux de Dieu, elles ne signifient rien et n’ont aucune valeur. Pour lui, tous sont unis, enfants de la même famille, et Dieu fait preuve de la même bonté envers tous. La surface de la Terre est une réalité unique. Dieu n’a pas divisé cette surface par des frontières et des barrières pour séparer les races et les peuples. C’est l’homme qui a conçu et établi ces lignes imaginaires, assignant à chaque zone circonscrite un nom et le statut limitatif de patrie ou de nation. Cette division et cette séparation de l’humanité en plusieurs groupes et segments engendrent les préjugés, terreau fertile de la guerre et du conflit. Sous l’influence de ces préjugés, les races et les nations entrent en guerre, le sang des innocents est versé et la terre, déchirée par la violence. C’est pourquoi Dieu a décrété, en ce jour, que ces préjugés et ces différends doivent être éliminés. Il ordonne à tous de chercher le bon plaisir du Seigneur de l’unité, d’observer ses commandements et d’obéir à sa volonté ; ainsi, la réalité de l’amour et de la réconciliation éclairera l’humanité.
Sixièmement, l’humanité a besoin des confirmations de l’Esprit saint. Parmi le genre humain, on atteint la véritable distinction grâce aux bienfaits divins et à l’inspiration de l’Esprit saint. Si l’homme ne reçoit ni faveurs célestes ni bienfaits spirituels, il demeure dans le règne et le monde de l’animal. Car ce qui distingue l’être humain de l’animal, c’est que l’homme possède en lui la potentialité du divin, alors que l’animal est totalement dépourvu de ce don et de cette potentialité. Par conséquent, si un homme est privé du souffle inspirant de l’Esprit saint ainsi que des faveurs divines, s’il est coupé du monde céleste et oublieux des vérités éternelles, bien qu’il ait l’apparence et la forme humaines, il n’est en réalité qu’un animal. Comme l’a dit le Christ : « Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. » Cela signifie que si l’être humain demeure prisonnier des sensations physiques et si la revitalisation des émotions spirituelles lui fait défaut, il n’est qu’un animal. Mais toute âme dotée de sensibilité spirituelle et d’une part abondante des bienfaits de l’Esprit saint est animée par la vie divine du royaume d’en haut. L’âme démunie et privée de ces bienfaits est comme morte. C’est pourquoi il a dit : « Laissez les morts enterrer leurs morts. » Comme le corps a besoin de sa force vitale, l’âme humaine a besoin du souffle divin et de la revitalisation divine qui émanent de l’Esprit saint. Sans ce souffle de vie et cette revitalisation, l’homme serait un animal, ou plutôt il serait mort.
Septièmement, il est évident que l’humanité entière a besoin d’être éduquée. Les enfants, en particulier, doivent recevoir formation et enseignement. Si les parents n’ont pas les moyens d’assumer cette éducation, le corps politique doit prendre les dispositions nécessaires pour sa réalisation. Grâce à l’ouverture d’esprit que procure l’éducation, l’analphabétisme disparaîtra et les malentendus causés par l’ignorance s’évanouiront.
Huitièmement, un accord international permettra d’établir la paix universelle parmi les nations du monde. La pire catastrophe pour l’humanité, aujourd’hui, est la guerre. L’Europe est un dépôt d’explosifs qui n’attend qu’une étincelle. Toutes les nations européennes sont à cran, et la moindre flammèche suffirait à mettre le feu à tout le continent. Le matériel de guerre et les instruments de mort se multiplient dans une mesure inconcevable, et les pays ploient sous le fardeau financier de la maintenance militaire. Les armées et les marines engouffrent les biens et possessions du peuple; les masses laborieuses, des gens innocents et sans défense sont forcés, par leurs impôts, de fournir des munitions et des armes à des gouvernements résolus à conquérir du territoire et à se défendre contre de puissantes nations rivales. Il n’existe pas dans le monde aujourd’hui de plus terrible épreuve que l’imminence d’une guerre. C’est pourquoi la paix universelle est essentielle. Un tribunal arbitral devra être établi, qui réglera les différends internationaux. Par ce moyen, toute éventualité de désaccord et de guerre entre les nations sera écartée.
Neuvièmement, l’égalité des droits des hommes et des femmes doit être établie. Les femmes doivent avoir un accès égal à l’éducation. Cela leur permettra de se qualifier et de progresser à tous les échelons du travail et de l’accomplissement. Car l’humanité a deux ailes : l’homme et la femme. Si une aile demeure incompétente et imparfaite, elle limite la puissance de l’autre et rend le vol impossible. C’est pourquoi la maturité et la perfection du monde humain dépendent du développement égal de ces deux ailes.
Dixièmement, toute l’humanité bénéficiera des mêmes droits et des mêmes privilèges.
Onzièmement, une langue devra être choisie comme moyen international d’expression et de communication. Grâce à ce moyen, il y aura moins de malentendus, l’amitié sera établie et l’unité, assurée.
Ce sont là quelques-uns des principes promulgués par Bahá’u’lláh. Il a fourni le remède aux maux dont souffre actuellement l’humanité, apporté une solution aux difficiles problèmes du bien-être individuel, social, national et universel, et jeté les bases de la réalité divine sur lesquelles s’établira la civilisation matérielle et spirituelle, au cours des siècles à venir.
Loué soit Dieu ! Je constate que ces deux grandes nations sont hautement compétentes et très avancées dans tout ce qui concerne le progrès et la civilisation. Ces gouvernements sont justes et équitables. Les motifs et les objectifs de ces populations sont nobles et inspirants. Aussi, j’espère que ces deux nations respectées deviendront des facteurs importants dans l’établissement de la paix internationale et de l’unité de l’humanité ; qu’elles pourront jeter les bases de l’égalité et de l’amitié spirituelle parmi le genre humain ; qu’elles manifesteront les plus nobles vertus du monde humain, vénéreront la lumière divine des prophètes de Dieu et établiront la réalité de l’unité, si cruciale aujourd’hui dans les affaires des nations. Je prie pour que les pays d’Orient et d’Occident ne forment qu’un seul troupeau sous la protection et la tutelle du Berger divin. En vérité, c’est là le don de Dieu et le privilège suprême de l’homme. C’est là la gloire de l’humanité. C’est là le bon plaisir de Dieu. C’est ce que je demande à Dieu, d’un cœur contrit.
Ô mon Seigneur, toi qui es magnanime ! En vérité, cette assemblée se tourne vers ton royaume. En vérité, tous ses membres font partie de ton troupeau et tu es leur unique Berger. Ô toi, véritable Berger ! Éduque et forme tes brebis dans tes prés verdoyants. Permets à ces oiseaux qui t’appartiennent de bâtir leur nid dans ta roseraie. Pare ton verger de ces plantes et de ces fleurs fraîchement écloses. Rafraîchis ces arbres humains des ondées de ta bonté et de ta grâce. Ô Dieu ! En vérité, tous, nous sommes tes serviteurs, et tu es l’unique Seigneur. Nous t’adorons tous, et tu es le Maître généreux. Ô Seigneur ! Rends la vue pénétrante pour qu’elle voie la lumière de ton royaume. Rends l’oreille attentive pour qu’elle entende les appels célestes. Ressuscite les esprits pour qu’ils soient vivifiés par le souffle de l’Esprit saint. Ô Seigneur ! En vérité, nous sommes faibles, mais tu es tout-puissant ; nous sommes pauvres, mais tu es riche. Aie pitié de nous. Accorde-nous une part généreuse de tes réalités et conduis-nous dans l’arène de tes réalisations. Tu es le Puissant. Tu es l’Omnipotent. Tu es le Seigneur bienveillant.