La déclaration du Báb
Le 24 mai était l’anniversaire de la déclaration du Báb. Dans ce compte-rendu publié dans La chronique de Nabíl (p. 59-62), Mullá Husayn décrit l’état dans lequel il était quand il a rencontré le Báb pour la première fois et quand celui-ci lui a déclaré sa mission :
J’étais assis, fasciné par ses paroles, oublieux du temps et de ceux qui m’attendaient. Soudain le cri du mu’adhdhin appelant les fidèles à la prière matinale, me tira de l’état d’extase dans lequel je semblais être tombé. Toutes les délices, toutes les gloires ineffables dont le Tout-Puissant parle dans son livre comme les biens inestimables des habitants du paradis, semblaient être à moi cette nuit-là. Il me semblait me trouver dans un endroit dont on pourrait réellement dire: « Là aucune peine ne nous atteindra, aucune lassitude ne nous touchera. Là, on n’entendra aucun vain discours ni aucun mensonge, mais uniquement le cri: ‘Paix! Paix!’ Le cri qu’on y lancera sera: ‘Gloire à toi, ô Dieu!’ et la salutation sera: ‘Paix!’ Et le cri se terminera par: ‘Louange à toi, Seigneur de toutes les créatures’ » (3.10)
Le sommeil m’avait quitté cette nuit-là. J’étais ravi par la mélodie de cette voix qui s’élevait et s’abaissait tandis qu’il psalmodiait; tantôt elle se haussait et ce, lorsqu’il révélait les versets du Qayyámu’l-Asmá, (3.11) tantôt elle acquérait des harmonies éthérées et subtiles, et ce, au moment où il prononçait les prières qu’il révélait. (3.12) A la fin de chaque invocation, il répétait ce verset: « Loin de la gloire de ton Seigneur, le Très-Glorieux, est ce que ses créatures affirment de Lui! Et paix sur ses messagers! Et louange à Dieu, le Seigneur de tous les êtres ! »
Ensuite, il s’adressa à moi en ces termes: « Ô toi qui es le premier à croire en moi! En vérité je le dis, je suis le Báb, la Porte de Dieu, et tu es le Bábu’l-Báb, la porte de cette Porte. Dix-huit âmes doivent d’abord, spontanément et de leur plein gré, m’accepter et reconnaître la vérité de ma révélation. Sans avoir été avertie ni invitée, chacune de ces âmes devra, indépendamment, chercher à me trouver. Et lorsque leur nombre sera complet, l’une d’elles devra être choisie pour m’accompagner dans mon pèlerinage à La Mecque et à Médine. Là je délivrerai le message de Dieu au sharíf de La Mecque. Je retournerai ensuite à Kúfih où, de nouveau, dans la mosquée de cette cité sainte, je manifesterai sa cause. Il vous incombe de ne pas divulguer, ni à vos compagnons, ni à toute autre personne, ce que vous avez vu et entendu. Soyez occupé à la mosquée Ilkhání à prier et à enseigner. Moi aussi, je vous y rejoindrai pour la prière en commun. Prenez garde à ce que votre attitude envers moi ne trahisse le secret de votre foi. Vous devrez poursuivre cette occupation et maintenir cette attitude jusqu’à notre départ pour Hijáz. Avant de partir, nous assignerons à chacune des dix-huit âmes sa mission spécifique et nous les enverrons toutes au loin accomplir leur tâche. Nous leur apprendrons à enseigner la parole de Dieu et à raviver les âmes des hommes. » Après avoir prononcé ces paroles, il me congédia. M’accompagnant jusqu’à la porte de la maison, il me confia à Dieu.
Cette révélation qui venait de m’être imposée d’une manière si soudaine et si impétueuse sembla, pendant un certain temps, tel un coup de foudre, avoir paralysé mes facultés. J’étais aveuglé par son éblouissante splendeur et accablé par sa force écrasante. L’émotion, la joie, la crainte et l’émerveillement remuaient les profondeurs de mon âme. Parmi ces sensations prédominait un sentiment de joie et de force qui semblait m’avoir transfiguré. Comme auparavant je m’étais senti faible et impuissant, timide et déprimé; je ne pouvais, à ce moment ni écrire ni marcher, tant mes mains et mes pieds tremblaient. Mais désormais, la connaissance de sa révélation galvanisait tout mon être. Je sentais en moi un courage et une puissance tels que même si le monde entier, tous ses peuples et ses potentats, devaient se liguer contre moi, je résisterais, seul et intrépide, à leurs assauts. L’univers ne semblait qu’une poignée de poussière dans ma main. Il me semblait être la voix de Gabriel personnifiée, appelant toute l’humanité en ces termes: « Réveille-toi. Regarde! La lumière de l’aube a pointé. Lève-toi car sa cause est manifestée. La porte de sa grâce est grande ouverte; entrez-y, ô peuples du monde, car celui qui est votre Promis est venu !»